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.Que redoutez-vous ?— Que Bel-Tran et ses alliés tentent de voler légalement des terres.*La soirée était si belle et si douce que Pazair s’accorda un peu de repos auprès du bassin de plaisance.Assise sur un rebord, les pieds dans l’eau, les paupières à peine maquillées d’une ligne de fard vert, Néféret jouait d’un luth dont les cordes, accordées à l’unisson, étaient nouées à la base du manche.Sa mélodie, fruitée et légère, ravissait le vizir.Elle s’harmonisait avec le frémissement des feuilles que berçait la brise du nord.Pazair songea à Souti, qu’un tel concert eût enchanté ; sur quelle piste errait-il, quels dangers courait-il ? Le vizir misait sur son héroïsme pour effacer ses fautes, mais il se heurterait à la férocité de la dame Tapéni.D’après Kem, elle s’occupait de moins en moins de l’atelier des tisserandes pour courir dans toute la ville.De quelle manière tentait-elle de lui nuire ?La voix du luth apaisa ses inquiétudes ; les yeux clos, Pazair s’abandonna à la magie de la musique.Ce fut le moment que l’avaleur d’ombres choisit pour agir.Dans les parages de la demeure du vizir, il ne restait plus qu’un seul poste d’observation, un grand palmier-dattier, planté au centre de la cour d’une petite maison qui appartenait à un couple de retraités.L’assassin s’était introduit chez eux, les avait assommés, puis avait grimpé au sommet de l’arbre, muni de son arme.La chance le servait.Comme il l’espérait, en ce début de soirée où le soleil déclinant caressait la peau, le vizir, rentré chez lui plus tôt que d’ordinaire, se prélassait en compagnie de son épouse, dans un endroit bien dégagé.L’avaleur d’ombres serra le bâton de jet recourbé qu’utilisaient les spécialistes de la chasse aux oiseaux.Le babouin policier, perché sur le toit de la demeure du vizir, n’aurait pas le temps d’intervenir.L’arme, redoutable lorsqu’elle était maniée avec précision, briserait la nuque de Pazair.Le criminel s’assura une position stable, en se maintenant à une branche, de la main gauche ; il se concentra et apprécia la trajectoire.Bien que la distance fût importante, il ne manquerait pas sa cible ; dans cet exercice, il avait fait preuve, très jeune, de qualités exceptionnelles.Fracasser la tête des oiseaux le distrayait au plus haut point.Coquine, le petit singe vert de Néféret, avait l’oeil perpétuellement en alerte, prête à recueillir un fruit mûr tombant de l’arbre, ou à jouer avec le premier merle du palmier-dattier, lorsque son bras se détendit ; elle poussa un cri d’alarme.Dans le cerveau du babouin, la coordination fut fulgurante.En un instant, il traduisit l’appel du singe vert, vit le bâton de jet fendre l’air, discerna sa cible et se jeta du haut du toit.Dans un bond prodigieux, Tueur intercepta l’arme du crime et tomba à quelques mètres du vizir.Stupéfaite, Néféret lâcha son luth ; Brave, assoupi, se réveilla en sursaut, et sauta sur le ventre de son maître.Le buste droit, ses pattes ensanglantées tenant fermement le bâton de jet, l’officier de police Tueur regardait fièrement le premier ministre égyptien qu’il venait, une fois de plus, d’arracher à la mort.L’avaleur d’ombres détalait déjà dans une ruelle, l’esprit troublé ; quelle divinité habitait l’âme de ce babouin ? Pour la première fois de sa carrière, l’assassin douta de ses capacités.Pazair n’était pas un homme comme les autres ; une force surnaturelle le protégeait.La déesse Maât, la justice du vizir, le rendait-elle invulnérable ?CHAPITRE 27Le babouin se laissa dorloter.Néféret lui lava les pattes avec de l’eau cuivrée, désinfecta la blessure, et le pansa.Bien qu’elle l’eût déjà constatée, la robustesse de Tueur la surprit ; malgré la violence du choc, la plaie n’était pas profonde et cicatriserait très vite.Dur au mal, le babouin n’observerait qu’un ou deux jours de repos relatif, sans même cesser de marcher.— Bel objet, apprécia Kem en examinant le bâton de jet ; peut-être un début de piste.L’avaleur d’ombres a eu la bonté de nous laisser un indice intéressant.Hélas ! Vous ne l’avez pas vu.— Je n’ai même pas eu le temps d’avoir peur, avoua Pazair.Sans le cri de Coquine.Le petit singe vert avait osé s’approcher de l’énorme babouin et lui toucher le nez ; Tueur n’avait pas bronché.S’enhardissant, Coquine posa sa patte minuscule sur la cuisse du grand mâle, dont l’oeil sembla attendri.— Je double le périmètre de sécurité autour de votre propriété, annonça le chef de la police, et j’interrogerai moi-même les fabricants de bâtons de jet.Nous avons enfin une chance d’identifier l’agresseur.*Une violente querelle avait opposé la dame Silkis à Bel-Tran.Bien que ce dernier admirât son fils, successeur désigné, il entendait demeurer maître chez lui ; mais son épouse refusait de réprimander le garçonnet, et moins encore sa fille, dont elle acceptait mensonges et injures sans réagir.Estimant injustes les critiques de son époux, la dame Silkis était entrée dans une violente colère.Perdant le contrôle de ses nerfs, elle avait déchiré des étoffes, brisé un coffre précieux et piétiné des robes coûteuses.Avant de partir pour son bureau, Bel-Tran avait prononcé des mots terrifiants : « tu es folle ».La folie.Le terme l’épouvantait.N’était-elle pas une femme normale, amoureuse de son mari, esclave d’un homme riche, mère attentive ? En prenant part au complot, en se montrant nue au gardien-chef du sphinx pour lui faire perdre sa vigilance, elle avait obéi à Bel-Tran, confiante en son destin.Demain, elle et lui régneraient sur l’Égypte.Mais des fantômes la hantaient.En acceptant d’être violée par l’avaleur d’ombres, elle s’était enfoncée dans des ténèbres qui ne se dissipaient plus ; les crimes dont elle était complice la torturaient moins que cet abandon, source d’un plaisir trouble.Et puis la rupture avec Néféret.Vouloir demeurer son amie, était-ce folie, mensonge ou perversion ?Les cauchemars succédaient aux cauchemars, les nuits blanches aux nuits blanches.Un seul homme la sauverait : l’interprète des rêves.Il exigeait des sommes exorbitantes, mais il l’écouterait et la guiderait.À sa femme de chambre, Silkis demanda un voile, afin de dissimuler ses traits ; la servante était en larmes.— Qu’est-ce qui te chagrine ?— C’est affreux.Il est mort !— Qui ?— Venez voir.L’aloé, superbe arbuste couronné de fleurs orange, jaune et rouge, n’était plus qu’une tige sèche.Non seulement il s’agissait d’une pièce rare, cadeau de Bel-Tran, mais encore d’un producteur de remèdes que la dame Silkis utilisait quotidiennement.L’huile d’aloé, appliquée sur les parties génitales, évitait les inflammations et favorisait l’union des corps ; de plus, étalée sur les plaques rouges qui rongeaient la jambe gauche de Bel-Tran, elle atténuait les démangeaisons.Silkis se sentit abandonnée ; l’incident provoqua une atroce migraine.Bientôt, elle se flétrirait comme l’aloé.*Le cabinet de l’interprète des rêves était peint en noir et plongé dans l’obscurité.Allongée sur une natte, les yeux clos, Silkis s’apprêtait à répondre aux questions du Syrien, dont la clientèle ne se composait que de riches et nobles dames [ Pobierz całość w formacie PDF ]
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.Que redoutez-vous ?— Que Bel-Tran et ses alliés tentent de voler légalement des terres.*La soirée était si belle et si douce que Pazair s’accorda un peu de repos auprès du bassin de plaisance.Assise sur un rebord, les pieds dans l’eau, les paupières à peine maquillées d’une ligne de fard vert, Néféret jouait d’un luth dont les cordes, accordées à l’unisson, étaient nouées à la base du manche.Sa mélodie, fruitée et légère, ravissait le vizir.Elle s’harmonisait avec le frémissement des feuilles que berçait la brise du nord.Pazair songea à Souti, qu’un tel concert eût enchanté ; sur quelle piste errait-il, quels dangers courait-il ? Le vizir misait sur son héroïsme pour effacer ses fautes, mais il se heurterait à la férocité de la dame Tapéni.D’après Kem, elle s’occupait de moins en moins de l’atelier des tisserandes pour courir dans toute la ville.De quelle manière tentait-elle de lui nuire ?La voix du luth apaisa ses inquiétudes ; les yeux clos, Pazair s’abandonna à la magie de la musique.Ce fut le moment que l’avaleur d’ombres choisit pour agir.Dans les parages de la demeure du vizir, il ne restait plus qu’un seul poste d’observation, un grand palmier-dattier, planté au centre de la cour d’une petite maison qui appartenait à un couple de retraités.L’assassin s’était introduit chez eux, les avait assommés, puis avait grimpé au sommet de l’arbre, muni de son arme.La chance le servait.Comme il l’espérait, en ce début de soirée où le soleil déclinant caressait la peau, le vizir, rentré chez lui plus tôt que d’ordinaire, se prélassait en compagnie de son épouse, dans un endroit bien dégagé.L’avaleur d’ombres serra le bâton de jet recourbé qu’utilisaient les spécialistes de la chasse aux oiseaux.Le babouin policier, perché sur le toit de la demeure du vizir, n’aurait pas le temps d’intervenir.L’arme, redoutable lorsqu’elle était maniée avec précision, briserait la nuque de Pazair.Le criminel s’assura une position stable, en se maintenant à une branche, de la main gauche ; il se concentra et apprécia la trajectoire.Bien que la distance fût importante, il ne manquerait pas sa cible ; dans cet exercice, il avait fait preuve, très jeune, de qualités exceptionnelles.Fracasser la tête des oiseaux le distrayait au plus haut point.Coquine, le petit singe vert de Néféret, avait l’oeil perpétuellement en alerte, prête à recueillir un fruit mûr tombant de l’arbre, ou à jouer avec le premier merle du palmier-dattier, lorsque son bras se détendit ; elle poussa un cri d’alarme.Dans le cerveau du babouin, la coordination fut fulgurante.En un instant, il traduisit l’appel du singe vert, vit le bâton de jet fendre l’air, discerna sa cible et se jeta du haut du toit.Dans un bond prodigieux, Tueur intercepta l’arme du crime et tomba à quelques mètres du vizir.Stupéfaite, Néféret lâcha son luth ; Brave, assoupi, se réveilla en sursaut, et sauta sur le ventre de son maître.Le buste droit, ses pattes ensanglantées tenant fermement le bâton de jet, l’officier de police Tueur regardait fièrement le premier ministre égyptien qu’il venait, une fois de plus, d’arracher à la mort.L’avaleur d’ombres détalait déjà dans une ruelle, l’esprit troublé ; quelle divinité habitait l’âme de ce babouin ? Pour la première fois de sa carrière, l’assassin douta de ses capacités.Pazair n’était pas un homme comme les autres ; une force surnaturelle le protégeait.La déesse Maât, la justice du vizir, le rendait-elle invulnérable ?CHAPITRE 27Le babouin se laissa dorloter.Néféret lui lava les pattes avec de l’eau cuivrée, désinfecta la blessure, et le pansa.Bien qu’elle l’eût déjà constatée, la robustesse de Tueur la surprit ; malgré la violence du choc, la plaie n’était pas profonde et cicatriserait très vite.Dur au mal, le babouin n’observerait qu’un ou deux jours de repos relatif, sans même cesser de marcher.— Bel objet, apprécia Kem en examinant le bâton de jet ; peut-être un début de piste.L’avaleur d’ombres a eu la bonté de nous laisser un indice intéressant.Hélas ! Vous ne l’avez pas vu.— Je n’ai même pas eu le temps d’avoir peur, avoua Pazair.Sans le cri de Coquine.Le petit singe vert avait osé s’approcher de l’énorme babouin et lui toucher le nez ; Tueur n’avait pas bronché.S’enhardissant, Coquine posa sa patte minuscule sur la cuisse du grand mâle, dont l’oeil sembla attendri.— Je double le périmètre de sécurité autour de votre propriété, annonça le chef de la police, et j’interrogerai moi-même les fabricants de bâtons de jet.Nous avons enfin une chance d’identifier l’agresseur.*Une violente querelle avait opposé la dame Silkis à Bel-Tran.Bien que ce dernier admirât son fils, successeur désigné, il entendait demeurer maître chez lui ; mais son épouse refusait de réprimander le garçonnet, et moins encore sa fille, dont elle acceptait mensonges et injures sans réagir.Estimant injustes les critiques de son époux, la dame Silkis était entrée dans une violente colère.Perdant le contrôle de ses nerfs, elle avait déchiré des étoffes, brisé un coffre précieux et piétiné des robes coûteuses.Avant de partir pour son bureau, Bel-Tran avait prononcé des mots terrifiants : « tu es folle ».La folie.Le terme l’épouvantait.N’était-elle pas une femme normale, amoureuse de son mari, esclave d’un homme riche, mère attentive ? En prenant part au complot, en se montrant nue au gardien-chef du sphinx pour lui faire perdre sa vigilance, elle avait obéi à Bel-Tran, confiante en son destin.Demain, elle et lui régneraient sur l’Égypte.Mais des fantômes la hantaient.En acceptant d’être violée par l’avaleur d’ombres, elle s’était enfoncée dans des ténèbres qui ne se dissipaient plus ; les crimes dont elle était complice la torturaient moins que cet abandon, source d’un plaisir trouble.Et puis la rupture avec Néféret.Vouloir demeurer son amie, était-ce folie, mensonge ou perversion ?Les cauchemars succédaient aux cauchemars, les nuits blanches aux nuits blanches.Un seul homme la sauverait : l’interprète des rêves.Il exigeait des sommes exorbitantes, mais il l’écouterait et la guiderait.À sa femme de chambre, Silkis demanda un voile, afin de dissimuler ses traits ; la servante était en larmes.— Qu’est-ce qui te chagrine ?— C’est affreux.Il est mort !— Qui ?— Venez voir.L’aloé, superbe arbuste couronné de fleurs orange, jaune et rouge, n’était plus qu’une tige sèche.Non seulement il s’agissait d’une pièce rare, cadeau de Bel-Tran, mais encore d’un producteur de remèdes que la dame Silkis utilisait quotidiennement.L’huile d’aloé, appliquée sur les parties génitales, évitait les inflammations et favorisait l’union des corps ; de plus, étalée sur les plaques rouges qui rongeaient la jambe gauche de Bel-Tran, elle atténuait les démangeaisons.Silkis se sentit abandonnée ; l’incident provoqua une atroce migraine.Bientôt, elle se flétrirait comme l’aloé.*Le cabinet de l’interprète des rêves était peint en noir et plongé dans l’obscurité.Allongée sur une natte, les yeux clos, Silkis s’apprêtait à répondre aux questions du Syrien, dont la clientèle ne se composait que de riches et nobles dames [ Pobierz całość w formacie PDF ]