[ Pobierz całość w formacie PDF ]
.— Où est-ce que j’devrais aller ?— J’sais pas.Faut que tu disparaisses, c’est tout c’que j’sais.Et me dis pas où tu vas.Je veux pas le savoir.Mais si j’étais toi j’essaierais de me faire passer pour un Blanc.Avec tes yeux clairs ça peut marcher.Change de nom et teins-toi les cheveux.— Mais comment on devient un Blanc ?— Ça doit pas être du gâteau, répondit Billy.A part Billy Deux Fers à Repasser, il existait une personne à laquelle Samson aurait souhaité parler : Pokey.Malgré sa soûlographie, ses délires, sa folie douce et ses pitreries spirituelles, Pokey restait la personne au monde en laquelle il avait toute confiance.Mais Billy avait raison : retourner à la maison eût été une erreur.Alors Samson tenta d’imaginer la réaction de Pokey quand il saurait le garçon chez les Blancs.Pokey n’avait jamais admis l’existence de leur monde.Pour lui n’existait que celui des Crows, avec ses clans, ses cercles familiaux, ses croyances religieuses, son équilibre avec la nature et Vieux Bonhomme Coyote.Les Blancs n’étaient qu’une vérole qui leur avait pourri la vie.Samson eut beau se creuser le cerveau pour trouver où il irait, l’avenir, au-delà de l’arrêt des cars de Sheridan, Wyoming, lui paraissait un épais voile brouillassé.La panique s’empara de lui.Il la sentit monter comme un cri et envahir sa poitrine, comme une nouvelle expression de Coyote Bleu.Envisager l’avenir le faisait chavirer.Il devait se concentrer sur l’instant présent et c’est seulement quand l’imprévu frapperait à sa porte qu’il penserait à lui ouvrir.Pokey ne cessait-il pas de répéter : « Si tu veux apprendre, tu dois oublier tout ce que tu sais déjà » ?— Dépense pas tout ton pognon dans le billet de bus, lui conseilla Billy.Dès que t’auras passé la frontière de l’État tu pourras faire du stop.— T’as appris tout ça quand ton frangin a eu ses emmerdes ?— Ouais.Quand il était en cabane, il m’a écrit des lettres où il me racontait tout ce qu’il n’aurait pas dû faire.— Il avait foutu une bombe dans l’agence du Bureau des Affaires Indiennes.Combien de lettres ça prend pour raconter ça ?— C’est pas de ça que je parle.Je parle de ce qu’il avait fait de travers pour se faire gauler si facilement.— Ah d’accord… répondit Samson.Deux heures plus tard, le garçon montait à bord d’un bus en partance pour Elko, Nevada.Il avait sur lui tout ce qu’il possédait : vingt-trois dollars, un couteau de poche et un sac d’amulettes sacrées.Il choisit une place près de la vitre dans le fond du bus et regarda le paysage noyé d’obscurité.Comme il ne voyait pratiquement rien il tenta d’imaginer à quoi pourrait ressembler l’endroit où il arriverait.Sa peur de tout quitter supplantait celle de se faire prendre, car, une fois pris, son sort eût été confié à des tiers.Après environ une heure de route Samson sentit que le bus ralentissait.Il chercha quelle pouvait être la réaction des autres voyageurs, mais hormis une vieille femme plongée dans un roman à l’eau de rose, tous dormaient.Le chauffeur rétrograda et Samson sentit le gros diesel repartir de plus belle comme le bus déboîtait sur la file de gauche.De l’autre côté de la vitre, Samson aperçut l’arrière d’une longue voiture bleue.Comme le bus la dépassait il vit la conduite intérieure glisser à ses côtés, en route pour l’éternité.Il reconnut très distinctement le gros représentant qu’il avait rencontré au cours de sa vision.Samson se contorsionna sur son siège comme pour mieux voir le gros homme qui lui aussi semblait le reconnaître à travers les vitres teintées du bus.Il leva une bouteille de Coca à hauteur d’yeux comme s’il portait un toast à Samson.— Z’avez vu ça ? cria Samson à la vieille femme.Z’avez vu la bagnole ?La vieille regarda le garçon et hocha la tête.Dans le siège de devant, un cow-boy poussa un grognement.— Z’avez vu qui était dans la voiture ? demanda Samson au chauffeur du bus qui se fendit d’une espèce de petit hennissement et remua la tête.Le cow-boy était réveillé à présent.Il remonta le chapeau qui lui couvrait les yeux :— Hé gamin ! Maintenant que tu nous as bien fait chier avec ton histoire de bagnole, tu vas nous dire qui c’est qu’était dedans.— C’était le représentant, répondit Samson.Le cow-boy se tourna vers Samson et lui jeta un regard de colère avant de redescendre son chapeau sur ses yeux et de se laisser glisser dans son siège.« Je pourrai jamais encadrer ces connards de Mexicains », dit-il.Chapitre 14Même les mensonges ont une vie qui leur est propreIl ne fallut guère plus de six semaines pour que le jeune Crow, Samson Chasseur Solitaire, devienne Samuel Hunter.La transformation avait commencé dans le bus quand le cow-boy avait confondu le garçon avec un Mexicain.Une fois à Elko, Nevada, Samson monta à bord d’un semi-remorque conduit par un chauffeur raciste et devint blanc pour la première fois de sa vie.Comme Pokey le lui avait enseigné, il pensait qu’une fois devenu blanc, il n’aurait de cesse de trouver des Indiens pour leur voler leur terre.Mais cette envie ne venait pas.Alors, sagement assis aux côtés du chauffeur, il l’écouta parler [ Pobierz całość w formacie PDF ]
zanotowane.pl doc.pisz.pl pdf.pisz.pl centka.pev.pl
.— Où est-ce que j’devrais aller ?— J’sais pas.Faut que tu disparaisses, c’est tout c’que j’sais.Et me dis pas où tu vas.Je veux pas le savoir.Mais si j’étais toi j’essaierais de me faire passer pour un Blanc.Avec tes yeux clairs ça peut marcher.Change de nom et teins-toi les cheveux.— Mais comment on devient un Blanc ?— Ça doit pas être du gâteau, répondit Billy.A part Billy Deux Fers à Repasser, il existait une personne à laquelle Samson aurait souhaité parler : Pokey.Malgré sa soûlographie, ses délires, sa folie douce et ses pitreries spirituelles, Pokey restait la personne au monde en laquelle il avait toute confiance.Mais Billy avait raison : retourner à la maison eût été une erreur.Alors Samson tenta d’imaginer la réaction de Pokey quand il saurait le garçon chez les Blancs.Pokey n’avait jamais admis l’existence de leur monde.Pour lui n’existait que celui des Crows, avec ses clans, ses cercles familiaux, ses croyances religieuses, son équilibre avec la nature et Vieux Bonhomme Coyote.Les Blancs n’étaient qu’une vérole qui leur avait pourri la vie.Samson eut beau se creuser le cerveau pour trouver où il irait, l’avenir, au-delà de l’arrêt des cars de Sheridan, Wyoming, lui paraissait un épais voile brouillassé.La panique s’empara de lui.Il la sentit monter comme un cri et envahir sa poitrine, comme une nouvelle expression de Coyote Bleu.Envisager l’avenir le faisait chavirer.Il devait se concentrer sur l’instant présent et c’est seulement quand l’imprévu frapperait à sa porte qu’il penserait à lui ouvrir.Pokey ne cessait-il pas de répéter : « Si tu veux apprendre, tu dois oublier tout ce que tu sais déjà » ?— Dépense pas tout ton pognon dans le billet de bus, lui conseilla Billy.Dès que t’auras passé la frontière de l’État tu pourras faire du stop.— T’as appris tout ça quand ton frangin a eu ses emmerdes ?— Ouais.Quand il était en cabane, il m’a écrit des lettres où il me racontait tout ce qu’il n’aurait pas dû faire.— Il avait foutu une bombe dans l’agence du Bureau des Affaires Indiennes.Combien de lettres ça prend pour raconter ça ?— C’est pas de ça que je parle.Je parle de ce qu’il avait fait de travers pour se faire gauler si facilement.— Ah d’accord… répondit Samson.Deux heures plus tard, le garçon montait à bord d’un bus en partance pour Elko, Nevada.Il avait sur lui tout ce qu’il possédait : vingt-trois dollars, un couteau de poche et un sac d’amulettes sacrées.Il choisit une place près de la vitre dans le fond du bus et regarda le paysage noyé d’obscurité.Comme il ne voyait pratiquement rien il tenta d’imaginer à quoi pourrait ressembler l’endroit où il arriverait.Sa peur de tout quitter supplantait celle de se faire prendre, car, une fois pris, son sort eût été confié à des tiers.Après environ une heure de route Samson sentit que le bus ralentissait.Il chercha quelle pouvait être la réaction des autres voyageurs, mais hormis une vieille femme plongée dans un roman à l’eau de rose, tous dormaient.Le chauffeur rétrograda et Samson sentit le gros diesel repartir de plus belle comme le bus déboîtait sur la file de gauche.De l’autre côté de la vitre, Samson aperçut l’arrière d’une longue voiture bleue.Comme le bus la dépassait il vit la conduite intérieure glisser à ses côtés, en route pour l’éternité.Il reconnut très distinctement le gros représentant qu’il avait rencontré au cours de sa vision.Samson se contorsionna sur son siège comme pour mieux voir le gros homme qui lui aussi semblait le reconnaître à travers les vitres teintées du bus.Il leva une bouteille de Coca à hauteur d’yeux comme s’il portait un toast à Samson.— Z’avez vu ça ? cria Samson à la vieille femme.Z’avez vu la bagnole ?La vieille regarda le garçon et hocha la tête.Dans le siège de devant, un cow-boy poussa un grognement.— Z’avez vu qui était dans la voiture ? demanda Samson au chauffeur du bus qui se fendit d’une espèce de petit hennissement et remua la tête.Le cow-boy était réveillé à présent.Il remonta le chapeau qui lui couvrait les yeux :— Hé gamin ! Maintenant que tu nous as bien fait chier avec ton histoire de bagnole, tu vas nous dire qui c’est qu’était dedans.— C’était le représentant, répondit Samson.Le cow-boy se tourna vers Samson et lui jeta un regard de colère avant de redescendre son chapeau sur ses yeux et de se laisser glisser dans son siège.« Je pourrai jamais encadrer ces connards de Mexicains », dit-il.Chapitre 14Même les mensonges ont une vie qui leur est propreIl ne fallut guère plus de six semaines pour que le jeune Crow, Samson Chasseur Solitaire, devienne Samuel Hunter.La transformation avait commencé dans le bus quand le cow-boy avait confondu le garçon avec un Mexicain.Une fois à Elko, Nevada, Samson monta à bord d’un semi-remorque conduit par un chauffeur raciste et devint blanc pour la première fois de sa vie.Comme Pokey le lui avait enseigné, il pensait qu’une fois devenu blanc, il n’aurait de cesse de trouver des Indiens pour leur voler leur terre.Mais cette envie ne venait pas.Alors, sagement assis aux côtés du chauffeur, il l’écouta parler [ Pobierz całość w formacie PDF ]