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.– Buvons, mon garçon.»Personne ne se fit prier.Une pinte entière y passa, ce qui réduisit la provision à trois pintes et demie seulement.« Ah ! cela fait du bien ! fit Joe.Que c’est bon ! Jamais bière de Perkins ne m’a fait autant de plaisir.– Voilà les avantages de la privation, répondit le docteur.– Ils sont faibles, en somme, dit le chasseur, et quand je devrais ne jamais éprouver de plaisir à boire de l’eau, j’y consentirais à la condition de n’en être jamais privé.»À six heures, le Victoria planait au-dessus des palmiers.C’étaient deux maigres arbres, chétifs, desséchés, deux spectres d’arbres sans feuillage, plus morts que vivants.Fergusson les considéra avec effroi.À leur pied, on distinguait les pierres à demi rongées d’un puits ; mais ces pierres, effritées sous les ardeurs du soleil, semblaient ne former qu’une impalpable poussière.Il n’y avait pas apparence d’humidité.Le cœur de Samuel se serra, et il allait faire part de ses craintes à ses compagnons, quand les exclamations de ceux-ci attirèrent son attention.À perte de vue dans l’ouest s’étendait une longue ligne d’ossements blanchis ; des fragments de squelettes entouraient la fontaine ; une caravane avait poussé jusque-là, marquant son passage par ce long ossuaire ; les plus faibles étaient tombés peu à peu sur le sable ; les plus forts, parvenus à cette source tant désirée, avaient trouvé sur ses bords une mort horrible.Les voyageurs se regardèrent en pâlissant.« Ne descendons pas, dit Kennedy, fuyons ce hideux spectacle ! Il n’y a pas là une goutte d’eau à recueillir.– Non pas, Dick, il faut en avoir la conscience nette.Autant passer la nuit ici qu’ailleurs.Nous fouillerons ce puits jusqu’au fond ; il y a eu là une source ; peut-être en reste-t-il quelque chose.»Le Victoria prit terre ; Joe et Kennedy mirent dans la nacelle un poids de sable équivalent au leur et ils descendirent.Ils coururent au puits et pénétrèrent à l’intérieur par un escalier qui n’était plus que poussière.La source paraissait tarie depuis de longues années.Ils creusèrent dans un sable sec et friable, le plus aride des sables ; il n’y avait pas trace d’humidité.Le docteur les vit remonter à la surface du désert, suants, défaits, couverts d’une poussière fine, abattus, découragés, désespérés.Il comprit l’inutilité de leurs recherches ; il s’y attendait, il ne dit rien.Il sentait qu’à partir de ce moment il devrait avoir du courage et de l’énergie pour trois.Joe rapportait les fragments d’une outre racornie, qu’il jeta avec colère au milieu des ossements dispersés sur le sol.Pendant le souper, pas une parole ne fut échangée entre les voyageurs ; ils mangeaient avec répugnance.Et pourtant, ils n’avaient pas encore véritablement enduré les tourments de la soif, et ils ne se désespéraient que pour l’avenir.Chapitre 26Cent treize degrés.– Réflexions du docteur.– Recherche désespérée.– Le chalumeau s’éteint.Cent vingt-deux degrés.– La contemplation du désert.– Une promenade dans la nuit.– Solitude.– Défaillance.– Projets de Joe.– Il se donne un jour encore.La route parcourue par le Victoria pendant la journée précédente n’excédait pas dix milles, et, pour se maintenir, on avait dépensé cent soixante-deux pieds cubes de gaz.Le samedi matin, le docteur donna le signal du départ.« Le chalumeau ne peut plus marcher que six heures, dit-il.Si dans six heures nous n’avons découvert ni un puits, ni une source, Dieu seul sait ce que nous deviendrons.– Peu de vent ce matin, maître ! dit Joe, mais il se lèvera peut-être, ajouta-t-il en voyant la tristesse mal dissimulée de Fergusson.»Vain espoir ! Il faisait dans l’air un calme plat, un de ces calmes qui dans les mers tropicales enchaînent obstinément les navires.La chaleur devint intolérable, et le thermomètre à l’ombre, sous la tente, marqua cent treize degrés[47].Joe et Kennedy, étendus l’un près de l’autre, cherchaient sinon dans le sommeil, au moins dans la torpeur, l’oubli de la situation.Une inactivité forcée leur faisait de pénibles loisirs.L’homme est plus à plaindre qui ne peut s’arracher à sa pensée par un travail ou une occupation matérielle ; mais ici, rien à surveiller ; à tenter, pas davantage ; il fallait subir la situation sans pouvoir l’améliorer.Les souffrances de la soif commencèrent à se faire sentir cruellement ; l’eau-de-vie, loin d’apaiser ce besoin impérieux, l’accroissait au contraire, et méritait bien ce nom de « lait de tigres » que lui donnent les naturels de l’Afrique.Il restait à peine deux pintes d’un liquide échauffé.Chacun couvait du regard ces quelques gouttes si précieuses, et personne n’osait y tremper ses lèvres.Deux pintes d’eau, au milieu d’un désert !Alors le docteur Fergusson, plongé dans ses réflexions, se demanda s’il avait prudemment agi.N’aurait-il pas mieux valu conserver cette eau qu’il avait décomposée en pure perte pour se maintenir dans l’atmosphère ? Il avait fait un peu de chemin sans doute, mais en était-il plus avancé ! Quand il se trouverait de soixante milles en arrière sous cette latitude, qu’importait, puisque l’eau lui manquait en ce lieu ? Le vent, s’il se levait enfin, soufflerait là-bas comme ici, moins vite ici même, s’il venait de l’est ! Mais l’espoir poussait Samuel en avant ! Et cependant, ces deux gallons d’eau dépensés en vain, c’était de quoi suffire à neuf jours de halte dans ce désert ! Et quels changements pouvaient se produire en neuf jours ! Peut-être aussi, tout en conservant cette eau, eut-il dû s’élever en jetant du lest, quitte à perdre du gaz pour redescendre après ! Mais le gaz de son ballon, c’était son sang, c’était sa vie !Ces mille réflexions se heurtaient dans sa tête qu’il prenait dans ses mains, et pendant des heures entières il ne la relevait pas.« Il faut faire un dernier effort ! se dit-il vers dix heures du matin.Il faut tenter une dernière fois de découvrir un courant atmosphérique qui nous emporte ! Il faut risquer nos dernières ressources.»Et, pendant que ses compagnons sommeillaient, il porta à une haute température l’hydrogène de l’aérostat ; celui-ci s’arrondit sous la dilatation du gaz et monta droit dans les rayons perpendiculaires du soleil.Le docteur chercha vainement un souffle de vent depuis cent pieds jusqu’à cinq milles ; son point de départ demeura obstinément au-dessous de lui ; un calme absolu semblait régner jusqu’aux dernières limites de l’air respirable [ Pobierz całość w formacie PDF ]
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