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.Je l'ai entendue se plaindre à Mlle Leccode perdre ses cheveux.J'espère qu'elle ne deviendra pas chauvecomme papa ou comme la grand-mère de Tchaslav.Elle ne prend plussoin d'elle comme avant, elle ne touche même plus à son flacon deparfum parisien, dont l'odeur est si séduisante.Quoi qu'il en soit, mon apprentissage du français avance et mesert parfois à comprendre certaines paroles que les grandes personneséchangent entre elles dans cette langue.Je ne suis pas à les écouter, àles épier, je voudrais tout simplement comprendre le monde quim'entoure, ce monde sur lequel est soudain tombée une ombre pesante.Pour la chasser et faire revivre les jours sereins de naguère, je me suispermis d'ouvrir le flacon de Maminka, oublié dans la salle de bains, etd'en faire sortir une gouttelette un peu grasse dont j ai enduit mespaupières.Gardant les yeux longuement fermés, j'ai eu l'impressionqu'elle se penchait sur moi pour m'embrasser.Le 1er mai, qu'il soit mauditTout a commencé vers cinq heures du matin.Il faisait encore nuitquand je me suis réveillé brusquement comme après un cauchemar,bien que je n'aie rêvé de rien.Il m'a semblé entendre dans mon sommeilla voix de papa répétant au téléphone dans un cri étouffé : « Vite, jevous en supplie ! Vite, vite, vite !.»Je suis dans un état étrange comme si je planais au-dessus demon corps pendant quelques instants.En redescendant dans ma cagemolle, je sens sur mon cou une chose froide et humide pareille au piedd'un escargot.Effrayé, écSuré, je la touche et je pousse un soupir desoulagement : ce n'est que ma glande ouverte, héritée de Maminka, quisécrète une fois de plus sa goutte gluante insipide et inodore.Je suis unpeu étonné, car d'ordinaire cela se passe les nuits de pleine lune, etnous n'y sommes pas encore, nous n en sommes qu au premierquartier.Ma fenêtre est ouverte, les persiennes fermées.À travers leurslames, la brise du petit matin m'apporte l'odeur des lilas.Elle n'a jamaisété si lourde, si capiteuse.S il n y avait pas ce coq en train de chanter,le silence serait absolu dans les cours du voisinage.Je tends l'oreillepour saisir un autre son dans le lointain, la sirène d'une ambulance quis'approche de notre rue.Elle devient de plus en plus aiguë, s'arrête etse tait juste devant chez nous.Un moment de silence, puis le grincement de notre porte cochère,qui n'est plus fermée à clef depuis la guerre.Le bruit des pieds d'aumoins deux personnes dans la petite allée qui mène à l'arrière-cour.Elles passent sous ma fenêtre.Piétinements.Voix étouffées.Un objetheurte la vigne vierge.Les bruits se déplacent vers le jardin et sedirigent vers la porte de service.Est-ce notre Loudmila ? Impossible,elle est partie hier soir chez tante Milena pour l aider.Pourtant,j'entends ses pas et ses sanglots.Silence.Puis les pas de plusieurspersonnes, des chuchotements et le bruit d'un objet qui heurte denouveau la vigne vierge.La sirène retentit et s'éloigne.Elle striduletristement, comme une cigale.Elle stridule, stridule et finit parm'endormir.Je me réveille une ou deux heures plus tard, cette fois pour debon.Je me demande si j ai rêvé ces visiteurs, fantômes nocturnes, etleur passage sous ma fenêtre, si je me suis laissé emporter par monimagination ? J'entrouvre une des persiennes et remarque au bord de lapetite allée quelques feuilles de vigne vierge tout récemment arrachées.J'ai des frissons dans le dos : ce n'était pas un rêve !À l'aide de la clef du grenier, j'ouvre la porte de la dernièrechambre pour aller chercher mon journal que j'ai caché la veille dans letiroir du bas d'une commode.Au moment où je m'apprête à ressortir,une voix me donne de nouveau des frissons dans le dos, c est celle denotre Loudmila, entrecoupée de sanglots.Je m'approche despersiennes de la fenêtre grande ouverte et je l'aperçois, entre les lames,devant la clôture qui sépare notre jardin de celui des voisins.Elle est entrain de parler à la grande sSur de Marina, qui n'est pas sourde-muette.« J'ai passé la nuit chez madame Janvier, la tante, dit-elle,suffoquant sous les pleurs.Heureusement, Monsieur s'est réveillé.Madame s'était enfermée dans ma chambre.Une bassine pleine desang.Elle s'était ouvert les veines.À l'hôpital, ils ont recousu sespoignets à la dernière minute.Ils ont dit : Pas de transfusion pour desfemmes hystériques, à l'heure où il faut soigner nos combattants ! Ilsl'ont transportée chez sa sSur.»Le 5 juilletDeux mois.Deux mois révolus.C est à ne pas y croire, comme si,pendant ces deux mois, je n'avais fait que sommeiller.Papa et notreLoudmila me disent que je suis malade et que je ne dois pas bouger demon lit tant que persiste ma petite fièvre quotidienne.Je n'ai mal nullepart.Rien de grave, 37° le matin et 37,5° en fin d'après-midi.Néanmoins, des choses infiniment plus graves se passent dansma tête.Elle se vide de plus en plus.Mes souvenirs fondent commeneige au soleil.Ils vont finir par être réduits à néant et je deviendrai unhomme sans mémoire, sans pavillon, une véritable épave humaine.J ai décidé de me battre en écrivant.Oncle Edouard dit que laparole orale s'adresse au présent ; quant à la parole écrite, elle seconsacre au futur.Tout ce que j'écris est destiné à mon avenir.Tout àl'heure, j'ai pris mon courage à deux mains et je me suis introduit dans ladernière chambre afin de sortir mon cher journal de sa cache.J'aiparcouru les dernières lignes, écrites il y a plus de deux mois, etsoudain des images de ce passé récent ont surgi devant moi.Inimaginable ! La parole écrite a vraiment le pouvoir d'unebaguette magique !Je me suis levé tard ce matin.Je suis seul dans la maison.Vraisemblablement retenu par son notable patient, joueur de poker,papa n'est pas rentré cette nuit.Notre Loudmila est partie chez tanteMilena rendre visite à Maminka, qui est toujours souffrante.NotreLoudmila a refusé de m'emmener avec elle, m'expliquant que Maminkaavait besoin d'un calme absolu.Chose étrange, avant de partir, un pli dedouleur à la commissure des lèvres, elle s'est habillée en noir et a glisséune cravate noire de papa dans son sac.J'avale en hâte un beignet aux abricots, je sors dans la rue et medirige vers la maison de Tchaslav [ Pobierz caÅ‚ość w formacie PDF ]
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.Je l'ai entendue se plaindre à Mlle Leccode perdre ses cheveux.J'espère qu'elle ne deviendra pas chauvecomme papa ou comme la grand-mère de Tchaslav.Elle ne prend plussoin d'elle comme avant, elle ne touche même plus à son flacon deparfum parisien, dont l'odeur est si séduisante.Quoi qu'il en soit, mon apprentissage du français avance et mesert parfois à comprendre certaines paroles que les grandes personneséchangent entre elles dans cette langue.Je ne suis pas à les écouter, àles épier, je voudrais tout simplement comprendre le monde quim'entoure, ce monde sur lequel est soudain tombée une ombre pesante.Pour la chasser et faire revivre les jours sereins de naguère, je me suispermis d'ouvrir le flacon de Maminka, oublié dans la salle de bains, etd'en faire sortir une gouttelette un peu grasse dont j ai enduit mespaupières.Gardant les yeux longuement fermés, j'ai eu l'impressionqu'elle se penchait sur moi pour m'embrasser.Le 1er mai, qu'il soit mauditTout a commencé vers cinq heures du matin.Il faisait encore nuitquand je me suis réveillé brusquement comme après un cauchemar,bien que je n'aie rêvé de rien.Il m'a semblé entendre dans mon sommeilla voix de papa répétant au téléphone dans un cri étouffé : « Vite, jevous en supplie ! Vite, vite, vite !.»Je suis dans un état étrange comme si je planais au-dessus demon corps pendant quelques instants.En redescendant dans ma cagemolle, je sens sur mon cou une chose froide et humide pareille au piedd'un escargot.Effrayé, écSuré, je la touche et je pousse un soupir desoulagement : ce n'est que ma glande ouverte, héritée de Maminka, quisécrète une fois de plus sa goutte gluante insipide et inodore.Je suis unpeu étonné, car d'ordinaire cela se passe les nuits de pleine lune, etnous n'y sommes pas encore, nous n en sommes qu au premierquartier.Ma fenêtre est ouverte, les persiennes fermées.À travers leurslames, la brise du petit matin m'apporte l'odeur des lilas.Elle n'a jamaisété si lourde, si capiteuse.S il n y avait pas ce coq en train de chanter,le silence serait absolu dans les cours du voisinage.Je tends l'oreillepour saisir un autre son dans le lointain, la sirène d'une ambulance quis'approche de notre rue.Elle devient de plus en plus aiguë, s'arrête etse tait juste devant chez nous.Un moment de silence, puis le grincement de notre porte cochère,qui n'est plus fermée à clef depuis la guerre.Le bruit des pieds d'aumoins deux personnes dans la petite allée qui mène à l'arrière-cour.Elles passent sous ma fenêtre.Piétinements.Voix étouffées.Un objetheurte la vigne vierge.Les bruits se déplacent vers le jardin et sedirigent vers la porte de service.Est-ce notre Loudmila ? Impossible,elle est partie hier soir chez tante Milena pour l aider.Pourtant,j'entends ses pas et ses sanglots.Silence.Puis les pas de plusieurspersonnes, des chuchotements et le bruit d'un objet qui heurte denouveau la vigne vierge.La sirène retentit et s'éloigne.Elle striduletristement, comme une cigale.Elle stridule, stridule et finit parm'endormir.Je me réveille une ou deux heures plus tard, cette fois pour debon.Je me demande si j ai rêvé ces visiteurs, fantômes nocturnes, etleur passage sous ma fenêtre, si je me suis laissé emporter par monimagination ? J'entrouvre une des persiennes et remarque au bord de lapetite allée quelques feuilles de vigne vierge tout récemment arrachées.J'ai des frissons dans le dos : ce n'était pas un rêve !À l'aide de la clef du grenier, j'ouvre la porte de la dernièrechambre pour aller chercher mon journal que j'ai caché la veille dans letiroir du bas d'une commode.Au moment où je m'apprête à ressortir,une voix me donne de nouveau des frissons dans le dos, c est celle denotre Loudmila, entrecoupée de sanglots.Je m'approche despersiennes de la fenêtre grande ouverte et je l'aperçois, entre les lames,devant la clôture qui sépare notre jardin de celui des voisins.Elle est entrain de parler à la grande sSur de Marina, qui n'est pas sourde-muette.« J'ai passé la nuit chez madame Janvier, la tante, dit-elle,suffoquant sous les pleurs.Heureusement, Monsieur s'est réveillé.Madame s'était enfermée dans ma chambre.Une bassine pleine desang.Elle s'était ouvert les veines.À l'hôpital, ils ont recousu sespoignets à la dernière minute.Ils ont dit : Pas de transfusion pour desfemmes hystériques, à l'heure où il faut soigner nos combattants ! Ilsl'ont transportée chez sa sSur.»Le 5 juilletDeux mois.Deux mois révolus.C est à ne pas y croire, comme si,pendant ces deux mois, je n'avais fait que sommeiller.Papa et notreLoudmila me disent que je suis malade et que je ne dois pas bouger demon lit tant que persiste ma petite fièvre quotidienne.Je n'ai mal nullepart.Rien de grave, 37° le matin et 37,5° en fin d'après-midi.Néanmoins, des choses infiniment plus graves se passent dansma tête.Elle se vide de plus en plus.Mes souvenirs fondent commeneige au soleil.Ils vont finir par être réduits à néant et je deviendrai unhomme sans mémoire, sans pavillon, une véritable épave humaine.J ai décidé de me battre en écrivant.Oncle Edouard dit que laparole orale s'adresse au présent ; quant à la parole écrite, elle seconsacre au futur.Tout ce que j'écris est destiné à mon avenir.Tout àl'heure, j'ai pris mon courage à deux mains et je me suis introduit dans ladernière chambre afin de sortir mon cher journal de sa cache.J'aiparcouru les dernières lignes, écrites il y a plus de deux mois, etsoudain des images de ce passé récent ont surgi devant moi.Inimaginable ! La parole écrite a vraiment le pouvoir d'unebaguette magique !Je me suis levé tard ce matin.Je suis seul dans la maison.Vraisemblablement retenu par son notable patient, joueur de poker,papa n'est pas rentré cette nuit.Notre Loudmila est partie chez tanteMilena rendre visite à Maminka, qui est toujours souffrante.NotreLoudmila a refusé de m'emmener avec elle, m'expliquant que Maminkaavait besoin d'un calme absolu.Chose étrange, avant de partir, un pli dedouleur à la commissure des lèvres, elle s'est habillée en noir et a glisséune cravate noire de papa dans son sac.J'avale en hâte un beignet aux abricots, je sors dans la rue et medirige vers la maison de Tchaslav [ Pobierz caÅ‚ość w formacie PDF ]